EXTRAIT

L’ESPLANADE DES ANGES

J’étais dans le vent, il était dans le souffle ; j’étais dans la tourmente, il était dans le silence. Sur l’esplanade des anges, je veillais son corps comme l’homme doit veiller le père aux abords de la mort. Sa main caressait mon bras sous le bleu sans faille du ciel. J’ai entendu et peut-être oublié la parole de cet ange, un bruissement qui sied mal aux vivants :

Et savoir n’est rien qu’avoir les mains creuses, à la tombée du soir. Ce n’est que pâleurs et senteurs, toutes ces richesses en allées, et l’été en marche, sur l’esplanade des anges puisant lumière et saveur dans le déclin changeant de l’astre majeur.

Et savoir n’est autre qu’un regard ouvert, à la tombée du soir. Ce temps qui ronge, avec la lenteur qui convient à son rang, les hautes dalles ornées de feuillages : ici le nom et son ordre, ici la chair et sa place sur le tombeau de marbre encore rouge sous la lumière dernière de l’été en marche.

Et savoir n’est savoir que dans cette bouche ressassant saveurs de miel et d’escapades en guise de parole et de sentences, en place de harangue et de bravades sur l’esplanade des anges, parmi les ifs tremblants encore sous l’ultime vent que lève le couchant.

Et savoir c’est avoir sans espoir de possession toutes les prémisses du soir ; et de mémoire active trembler au souvenir de tant de couchants à l’avant-garde de la nuit ; posé en place, sur le bord du marbre de l’esplanade des anges, aux abords de la mort.

Et savoir est bien peu, parmi le vol des mésanges, portant semence et irrespect dans l’immense ; cette main creuse, ce regard ouvert, cette bouche aux parfums innombrables, formant un corps au souffle patient, allongé sans peine, sur l’esplanade des anges.

Et le soir s’en vint,
Le jour après lui.
Sur l’esplanade des anges,
Gravé sur la pierre,
En guise de réponse
Il y avait Son NOM
Et d’autres senteurs
Que je porte en moi.

Extrait du recueil « Les jours et les nuits »
Revue Migraphonie